Un Cri D'Amour A Sarkozy
Par: Rachel Marsden
Il y a cinq ans, Nicolas Sarkozy était élu sur la promesse de moderniser
l'infrastructure de la société française et de la rapprocher du modèle américain :
moins de dépendance vis-à-vis du gouvernement, plus de liberté dans la vie et le
travail. C'était beaucoup demander mais il obtint une victoire écrasante,
devançant Ségolène Royal, son adversaire socialiste, de plus de 6 %.
Sarkozy ne jurait que par l'énergie, la liberté du marché et la limitation du
gouvernement, des idées importées directement d'outre-Atlantique. Mais quelque
chose s'est mis en travers de sa route : la France. Voilà un exemple typique
d'une ambition bloquée par la puissance du passé.
Sarkozy n'est pas le premier homme dont la liberté d'esprit butte sur la
mentalité française de l'Etat nourricier. En 1848, l'économiste Frédéric Bastiat
comparait déjà la Constitution des Etats-Unis à celle de la France : "Ce qui
suit est le début du préambule de la Constitution [française] : 'La France s'est
constituée en République [dans le] but (…) de faire parvenir tous les citoyens
(…) à un degré toujours plus élevé de moralité, de lumières et de bien-être.'
(…) N'est-ce pas en cédant à cette étrange illusion que nous sommes conduits à
tout attendre d'une énergie qui n'est pas la nôtre ?... Les Américains ont conçu
une autre idée des relations des citoyens et du gouvernement. (…) Il n'y a pas
ici [dans le préambule de leur Constitution] de création chimérique, pas
d'abstraction desquelles les citoyens puissent tout exiger. Ils n'attendent rien
sauf d'eux-mêmes et de leur propre énergie."
Sarkozy est épuisé par ses efforts pour réformer la France. Carla Bruni, sa
femme, a d'ailleurs déclaré lors d'un entretien récent qu'elle s'inquiétait pour
lui parce qu'il donnait tout à son travail et dormait à peine. Cela ne l'a pas
empêché de monter sur scène il y a deux semaines à l'occasion d'une gigantesque
"Sarkorgie" devant des dizaines de milliers de partisans pour lancer aux
Français : "Aidez-moi." Une allusion pas très subtile à l'"Aidez-moi" lancé par
le général de Gaulle en avril 1961 lors du putsch de nationalistes français en
Algérie.
Le message de Sarkozy est clair : je me suis tué à la tâche pour changer le pays
et ça a été plus dur que prévu, alors s'il vous plaît, ne votez pas pour le
socialiste qui risque de vous emmener dans une direction que vous n'imaginez
même pas. Sauf que les Français imaginent très bien de quoi a l'air une
implosion socialiste : la Grèce en constitue un exemple frappant. Il n'empêche
que je tombe tous les jours à Paris sur des Français qui me disent : "Sarkozy
roule pour les riches, Hollande pour les pauvres." C'est à cette bêtise crasse
que Sarkozy est confronté, et elle est aussi coriace que tout ce que de Gaulle a
dû affronter en son temps, y compris les nazis.
"Aidez-moi !", voilà un bon slogan de campagne quand il s'agit de lutter contre
la toute-puissance d'un socialiste qui promet tout et n'importe quoi en pleine
crise économique. De Gaulle a dirigé la minorité française qui faisait de la
résistance ; Sarkozy s'efforce aujourd'hui de diriger la minorité française qui
résiste à la stupidité ambiante. Une fois encore, je pense que de Gaulle a eu la
tâche la plus aisée.
Sarkozy appelle aujourd'hui à isoler la France de l'Europe pour la préserver des
absurdités pratiquées par les pays frontaliers – ce qui passe entre autres par
la révision de tous les accords de Schengen qu'il a contribué à créer ou
amender. On dirait le dernier mea culpa d'un président dont la carrière
politique se dirige vers la grande lumière blanche. Il espère ainsi reprendre
pied et trouver la volonté de se sacrifier pour cinq ans de plus. Sarko la
girouette, c'est quand même mieux que cinq ans de saignée socialiste.
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